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4 years ago

Sur les plages du Rhin

Sur Les Plages Du Rhin

Ils sont apparus soudainement. Personne ne connut leur origine. On ne sut pas non plus qui fut leur créateur. Les bateaux en papier débarquèrent sur les plages du Rhin par centaines de milliers que ce soit en Autriche en Suisse en Allemagne en France et même dans le Benelux. Chaque bateau était baptisé d’un nom, apportant en même temps des messages de toutes sortes. Il y avait des mots, des chiffres, des notes de musique ou des dessins.

Des spécialistes reconstituèrent leurs trajets sans trouver leur point de départ. Certains bateaux étaient liés entre eux par leurs mots. Sur une des plages, il y avait un hommage à la Bavière romantique de Louis, aux châteaux du Rhin qui dominaient le paysage grâce à leurs tours de guet. D’autres faisaient allusion à la traversé d’Arioviste et de ses guerriers après sa déroute contre Jules César. Il y avait quelques centaines de petits bateaux sur le bord d’une plage de sable au nord de Bâle qui, reconstitués racontaient l’histoire de la belle Ildiko, une princesse germaine qui aimait se baigner dans le fleuve. Un jeune soldat romain tomba amoureux d’elle et traversa le Rhin pour la délivrer des terribles huns d’Attila. Il y avait aussi des bateaux de papier qui chantaient les traversés d’hommes et de femmes fuyant les guerres, les régimes autoritaires et leurs persécutions.

Plus au sud, les bateaux de papier déposèrent un parfum de romantisme sur les plages autrichiennes. Il imprégnait l’air de nouvelles de Stephan Zweig, d’amours au printemps. On pouvait les suivre à la trace et voir le fantôme de Sissi marcher protégée du soleil par une ombrelle. On pouvait entendre une mélodie de violon au milieu du fleuve annonçant un nouveau débarquement de bateaux en papier. En dépliant quelques feuilles, certaines personnes avouèrent avoir entendu le rire de Romy Schneider et du côté suisse, celui de la dernière sorcière condamnée à mort.

Et sur les plages du lac de Constance, des petits bateaux déposèrent des pépites d’or, des fragments d’argent, des restes des trésors disparus engloutis au fond de cette étendue d’eau. Les chercheurs de trésors, annoncèrent qu’il s’agissait de l’or perdu des nazis. D’autres qu’il s’agissait plutôt du trésor des barbares germains après avoir envahi l’empire romain. Mais les plus raisonnables racontèrent que cela provenait en fait de quelques pièces perdus par l’armée napoléonienne de retour de sa triste campagne de Russie. Ils avaient jeté cet or maudit pour supplier les dieux d’accueillir dans leur paradis leurs amis morts durant l’hiver terrible de 1812.

Sur d’autres plages du Rhin, d’autres fragiles navires apportèrent des mots pleins de compassion, des mots égarés pour des voyageurs égarés. Ils apportèrent un peu d’assurance, de l’espérance, la joie, mais pas la richesse car elle n’apporte jamais le bonheur. De nombreux bateaux se perdirent dans les méandres du fleuve, engloutis par les courants, avalés par les brochets ou quelques oiseaux de proie. Et il y a ce bateau, plus intelligent que les autres qui fit la navette entre deux rives aidant ainsi quelques malheureuses grenouilles à traverser pour trouver de l’autre côté une princesse qui acceptera de les embrasser.

On trouva aussi des bateaux de couleurs, des bleus, des rouges, des verts, des jaunes. Ils débarquèrent les milliers d’œuvres peintes par William Turner, Robert Schouler, Maria Garcia ou d’autres centaines d’anonymes qui ne purent vivre à Montmartre.

Il y avait tout ça dans ces petits bateaux en papier qui débarquèrent sur les plages du Rhin et encore bien d’autres choses.

Alex@r60 – août 2020


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