French writer, écrit de la SFFF et des fanfictions, poste sur l'écriture et reblogue Pratchett
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alexar60 liked this · 4 years ago
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30jourspourecrire reblogged this · 4 years ago
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plaidetchocolatchaud liked this · 4 years ago
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sous-le-saule liked this · 4 years ago
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Page blanche
Bon. Au bout de combien d’essais doit-on admettre qu’on n’a pas d’inspiration aujourd’hui ?
Autrefois, l’auteur frustré roulait en boulet la feuille où il avait commis ses mauvais départs et la balançait à la corbeille. On pouvait ainsi mesurer l’étendue de sa détresse.
Aujourd’hui, on écrit, on se relit, on blêmit, on maudit et on efface, encore et toujours, sans laisser la moindre trace. Aucune différence entre trois heures d’essais et trois heures de rêvasseries sans placer un mot de plus sur son brouillon. Comme si les mauvaises idées ne comptaient pas, au moins pour l’effort.
C’est décourageant.
Mais tout est décourageant lorsqu’on manque d’inspiration.
Mais si, diront les autres, l’inspiration est partout ! Inspire-toi du réel !
Pauvres malheureux. Comme si le réel n’était pas le pire ennemi de l’art. Toujours brouillon, sans début ni fin, sans arrière ni avant plan, sans logique, sans sens. Un casse-tête éternel qui ne fait même pas l’effort d’être intéressant.
Non, pour faire entrer le réel dans son œuvre, l’artiste doit procéder avec précautions, distiller soigneusement goutte après goutte ce dont il a besoin exactement, pas plus, pas moins. Ensuite il va bâtir tout le reste. Ce qui est la meilleure partie du travail, pour être honnête.
Ici, nous avons un artiste de la pire espèce : un écrivain de fantasy. Tellement loin du réel qu’il l’aborde par l’autre bout : il lui arrive parfois, accidentellement, de glisser un bout de réalité par-ci par-là. Le lecteur étonné va retrouver, au milieu de l’éternelle guerre entre deux peuples qui n’existent pas sur une terre qui n’existe pas dans un temps qui n’existe pas, un comportement très, très réel. Dépouillé de tout le contexte et les connaissances que le lecteur a emportées dans ses bagages, ce petit fait, déguisé grossièrement d’une fausse moustache, ne manquera pas d’être reconnu et compris. Comme quoi il ne faut pas s’inquiéter pour le réel. Il trouve toujours un moyen de se glisser là où il n’est pas attendu.
Ce qui ne résous pas le problème d’inspiration de notre auteur. Il peine, il planche, il tente et retente, en vain.
Il finit par lâcher son écran et regarde autour de lui les autres livres, désabusé.
Dans son bureau, il n’y a que des livres qu’il a choisies lui-même pour les mettre aux meilleures places – oui, il y en a aussi dans le salon, dans le couloir et même dans les toilettes. Ce sont des livres qu’il a lus et aimés, parfois passionnément. Des refuges face à la vie, des portes d’entrée vers des mondes fantastiques, des milliers de personnages fascinants dont il se sent plus proche que de certains membres de sa famille. Aujourd’hui, pourtant, l’écrivain se sent jugé, toisé du haut des étagères par les livres qui l’entourent. Tout petit. Indigne.
Il proteste. Il en a écrit, quand même, des livres, qui trônent fièrement au milieu des autres. Il n’a pas à rougir. Une panne d’inspiration, ça arrive à tout le monde, même aux meilleurs. Le résultat n’en sera pas moins bon. Les lecteurs ne sauront jamais à quel point il a peiné sur ce passage.
Oui, mais…
Et si c’était foutu ? souffle son angoisse. Et si je n’y arrivais plus jamais ?
Qu’y a-t-il de plus terrifiant pour un artiste que de perdre l’inspiration ? C’est incontrôlable et insaisissable. Oui, normalement ça vient tout seul, ou du moins le travail n’est pas conscient, l’idée semble avoir germé dans le crâne sans avoir eu besoin de graine. Mais si on ne sait pas d’où ça vient, on ne sait pas où aller le chercher en cas de besoin. Et on garde la peur qu’un jour, tout puisse s’arrêter.
L’écrivain se prend la tête – littéralement, une main sur chaque tempe. Des graines. Tout est question de graine. Il y en a forcément, son cerveau en collecte en permanence, à droite, à gauche, dans la fiction comme dans la réalité, tout peut être utile même si tout ne sera pas utilisé. C'est un peu l'instinct d'une pie. Il stocke d’abord, il fera le tri ensuite. Pour l’instant, des idées il en a même trop, c’est juste qu’aucune ne colle, pire, aucune ne lui plait, aucune ne l’enthousiasme !
Mais si…
Et s’il imaginait un écrivain génial, qui débarquerait ici pour écouter son problème, comment est-ce qu’il le résoudrait ?
Lentement, puis de plus en plus vite, l’écrivain se remet à écrire.
a graph based on my observations
Trésors
Nous sommes allés cueillir des fraises des bois.
Non, nous sommes allés nous promener dans la forêt. Mais elle connaissait ce coin où il y avait des fraises, alors je l’ai suivie.
Elle a retroussé sa jupe pour ne pas la déchirer dans les ronces et les branches. Je lui ai dit d’être prudente. Elle s’est écorchée. J’aurais voulu passer en tête, piétiner pour elle tous les obstacles, tenir les plantes comme les portes d’un palace le temps qu’elle passe. Mais c’est elle qui connaissait le chemin. Alors je n’ai rien fait.
Nous avons trouvé les fraises, loin au fond des bois, bien plus loin que je sois jamais allé. Elle m’en a fait goûter une. Elle tenait à me prouver que nous n’avions pas fait tout ce périple pour rien. Je n’en doutais pas, et même si les fraises avaient été horribles, pas mûres ou déjà mangées, j’aurais été ravi de faire cette longue balade avec elle. Mais ça aurait amoindri la valeur des fraises, dont elle était si fière. Alors je n’ai rien dit.
La fraise était délicieuse. Minuscule, juteuse, sucrée et douce comme un morceau de paradis. Nous avons cueillis ces petits trésors, délicatement pour ne pas les écraser. Enfin en théorie. En réalité, j’avais beau m’appliquer, j’y allais toujours trop fort. Ces précieux rubis, j’en faisais de la purée. Pendant ce temps, elle grimpait au talus en quête d’autres fraisiers. J’aurais voulu l’aider, attraper sa taille pour la hisser vers le sommet. Mais j’avais du jus plein les doigts, et je n’aurais fait que la salir. Alors je n’ai rien fait.
Quand il a été temps de rentrer, elle m’a souris, un peu nerveuse. Elle était si joyeuse pendant toute l’expédition, si contente de son panier rempli. Je ne comprenais pas pourquoi à présent elle regardait ses pieds en rougissant.
Puis elle s’est tourné vers moi et m’a embrassé – un baiser au goût de fraise, ce n’était pas une seule qu’elle avait volé à la cueillette, c’était au moins mille, car son baiser était mille fois meilleur qu’un fruit, comme mille morceaux de paradis.
Alors je le lui ai rendu.