luma-az - Luma Azane
Luma Azane

French writer, écrit de la SFFF et des fanfictions, poste sur l'écriture et reblogue Pratchett

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Le Prince Vlo

Le prince à vélo

Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 16 août 

Thème : vélo/je suis en vie

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La terre est fraiche et douce sur ma peau. Les racines des plantes m’enlacent tendrement. Mon sommeil est paisible.

Six mois qu’on m’a tuée et qu’on m’a déposée là. Mon histoire ne débute pas ici. Mais elle ne s’y arrête pas non plus.

J’attends.

Parfois un bruit brise mes rêves de forêt. Les pas lointains d’un promeneur. Le grondement plus lointain encore d’un avion dans le ciel. La sonnette d’un vélo. Toujours trop loin pour venir me sauver. Et même ceux qui se rapprochent… tout le monde n’a pas le cœur d’un prince. Leur choc et leur horreur en me découvrant ne leur permettent pas de faire ce qu’il faut.

Peu importe. J’ai tout mon temps.

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Ce n’est pas vraiment que j’ai perdu patience – le temps n’est qu’une information quand on est mort. C’est qu’il m’a agacée, avec son vélo.

Qu’on ne me voit pas depuis le sentier de randonnée, c’est normal – mes amis se recueillent régulièrement devant mon corps, ils ne l’ont pas installé n’importe où. Qu’on ne me voit pas quand on franchit les buissons et qu’on arrive dans l’herbe courte, c’est déjà moins banal. Mais qu’on me roule dessus sans me voir du tout ! Non mais quel toupet !

J’ai mal réagit, je m’en suis rendu compte seulement après. Mais ça faisait si longtemps que je n’avais pas ressenti la colère, moi qui dormais si bien. Je n’ai pas pu m’en empêcher. J’ai sorti une main de terre et j’ai attrapé la roue de son vélo, à cet imbécile. Dans mon état, je bouge peu, mais quand je le décide j’ai une poigne de fer : il a fait un soleil impeccable et a fini par terre.

J’aurai dû lâcher, mais j’avais envie qu’il débarrasse le plancher. Ma clairière a l’air d’être une piste de cross, peut-être ?

Je m’attendais à lui flanquer une peur de tous les diables, j’avoue. Surtout lorsqu’il aurait tenté de récupéré son vélo et qu’il aurait vu que cette étrange main sortie de terre ne bouge pas d’un pouce. Je l’aurais laissé secouer une ou deux fois avant de lui rendre sa monture.

Au lieu de ça, son premier réflexe en voyant que ce qui l’a fait tomber était une main a été de me chercher, moi tout entière. Ça n’a pas été très long. J’ai été déposée avec soin à même le sol, un peu de terre m’a recouverte peu à peu, mais je ne suis pas difficile à dégager.

Il a marqué le coup en me voyant. J’avoue que j’ai assez apprécié cette réaction. On s’attend à un vilain cadavre et on tombe sur une belle jeune fille pâle, qui parait dormir, ça fait toujours un choc, mais c’est bien la première fois qu’on se donne la peine de me contempler. Alors que j’en vaux la peine.

Il n’a pas crié. Au contraire, il m’a parlé d’une voix douce :

« Mademoiselle, s’il vous plait, pouvez-vous lâcher mon vélo ?

Tant de grâce. Tant de politesse. C’était exquis.

J’ai lâché le vélo.

Il a ajouté :

— Merci infiniment. »

Et il est reparti.

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J’ai attendu qu’il revienne. J’ai beaucoup pensé à lui dans mon rêve.

Et il est revenu.

« On dirait que je n’arrive pas à vous sortir de ma tête.

C’est très bien.

Il ajoute :

— Vos amis m’ont dit que je pouvais vous sauver. Que j’avais ce qu’il faut. Enfin, que j’étais celui qu’il fallait.

Il me prend la main, cette main qui m’avait permis d’attraper son vélo. Comme c’est romantique.

— Je vous en prie, permettez-moi… »

Je permets, je permets. La preuve, tu es encore vivant.

Enfin, il se penche et m’embrasse.

Le sort se lève.

Loin, très loin, dans une boite en bois posée sur le bureau de ma belle-mère, un battement retenti à nouveau, porteur d’une excellente nouvelle qui ne doit absolument pas la réjouir.

Je suis en vie.

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More Posts from Luma-az

1 year ago

Des milliers de bouteilles à la mer

Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 30 août 

Thème : au revoir/écrire

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Chaque jour, elle allait jeter une bouteille à la mer. Une bouteille en verre, soigneusement scellée, contenant une feuille de papier chargée de mots.

Personne n’était censé les lire.

Ecrire, pour elle, c’était une décharge. Un moyen de se défouler, de se sortir de la tête des idées qui y trainaient trop, des pensées qui sentaient le rance, des rancunes et des regrets. C’était aussi un moyen de parler sans être interrompue. Et même si au final elle les destinait au grand large, elle se sentait écoutée, en écrivant ses messages, comme jamais elle ne l’était dans sa vie de tous les jours.

Au quotidien, c’était une gentille fille. Toujours positive. Toujours prête à aider. Un soutien, une oreille, une main secourable, un pilier.

Et elle aimait ça. Elle n’avait pas envie de le gâcher. Elle parlait, oui, et elle était même sincère, parfois. Mais elle ne disait jamais tout. Le reste, elle le gardait pour elle, dans un coin de sa tête, au fond de son cœur, elle le ruminait, le ressassait, avant de le régurgiter sur la feuille. L’acte d’écrire lui a toujours paru salutaire, jamais élégant. Peu importe. Les vagues ne s’en sont jamais plaintes.

Aujourd’hui, elle n’a écrit que deux mots sur sa feuille : Au revoir.

Je sais que personne n’était censé lire. Sauf que depuis tout ce temps, moi j’ai lu. Et j’hésite. J’angoisse. Que faire ? En réalité, je n’ai aucune idée de ce qu’elle compte faire, de ce que veulent vraiment dire ces mots. Sauf qu’au fond de moi, après avoir dévoré tous ses messages, je sais très bien ce qu’ils veulent dire. Je sais ce que voulait dire le geste, depuis le début, de jeter une bouteille à la mer. Ça a toujours été un appel à l’aide désespéré.

Ça me terrifie, mais j’ai pris ma décision. Tant pis pour elle, je suis trop inquiet pour ne pas m’en mêler.

Par contre, me rencontrer risque de lui faire un sacré choc.

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1 year ago

En mer

Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 18 août 

Thème : sieste/oui mon capitaine

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Partout, une mer d’azur s’étale à perte de vue. Le bateau est le seul point dépassant sur l’horizon. En dehors d’une petite brise, à peine suffisante pour avancer, c’est ce qu’on pourrait appeler le calme plat.

Perché dans le nid-de-pie, je succombe à la tentation d’une petite sieste. Après tout, qu’est-ce qui pourrait arriver ?

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Le bateau est désert.

Je ne comprends pas. Je me suis réveillé à peine une heure après avoir fermé les yeux, deux peut-être, trois grand maximum ! Ils ne peuvent pas avoir tous disparus aussi vite ! Et où est-ce qu’ils seraient passés ?

J’arpente le pont comme une âme en peine, en appelant mes camarades. En vain. L’angoisse me tord les tripes. Il n’y a aucune trace de lutte. Toutes leurs affaires sont encore là. Le café est froid dans la tasse du capitaine. Les dés des gars qui n’étaient pas de quart sont encore posés par terre, à coté des piécettes. Ça n’a aucun putain de sens !

Je cours partout, je cherche. Je regarde dans la mer, mais je ne vois aucune trace. Comme il n’y a plus personne à la barre, le bateau s’est mit vent debout et il est resté dans la même zone depuis, je pourrais voir quelque chose – un foulard, un chapeau, n’importe quoi qui flotterait sur les vagues et me dirait une bonne fois pour toute qu’ils sont tombés à l’eau. Mais non, je ne vois rien.

Ne pas paniquer ne pas paniquer ne pas…

Je cours jusqu’à la cuisine. Les réserves d’eau et de nourriture sont intactes. En étant seul, je devrais pouvoir tenir des m…

Mais je ne vais pas rester seul aussi longtemps, bien sûr. Comment je pourrais être seul aussi longtemps ? Quelqu’un va forcément me trouver avant ! On est sur une route commerciale, quelqu’un va voir le navire, et…

Je fouille dans la malle à pavillon et en sort ceux qui indiquent une urgence vitale, et que le bateau se rend sans résister. Peut importe qui me trouvera, ils viendront !

Maintenant, il faut que… il faut que je m’organise. Le bateau est bien gréé, si je reprends la barre je peux avancer. Même si je ne suis pas sûr de la direction. Je ne suis pas capitaine ni officier, moi, je n’ai jamais eut à faire tous ces calculs compliqués, mais je saurais à peu près me repérer au soleil ! Et je ne veux rien de bien extraordinaire, juste me rapprocher de la côte. Oui, oui, plus je serais proche des terres, plus il y a des chances qu’on me voit et qu’on vienne  me sauver. Oui. Ce n’est qu’une question de jours. De semaines, tout au plus. Tant que je ne croise pas de tempête, je peux m’en sortir. J’en ai pour des mois de provisions, après tout.

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Je ne sais pas depuis combien de temps nous errons en mer.

Au moins je ne suis plus seul. J’ai fabriqué le coq Brisepâte, pour me tenir compagnie quand je fais l’inventaire des vivres. Le mousse Filedroit, pour les moments  où j’ai envie de me lancer dans de grandes explications sur le métier de marin ou de lui raconter mes aventures excitantes. Les matelots Bonnepinte, Grandepinte et Bellechopine, pour les soirs où j’ai envie de boire un petit coup. Bizarrement, j’ai fini le rhum bien avant de finir la farine à biscuits.

Ah, et j’ai aussi fait le capitaine Briselame – aucun lien de parenté avec le coq. Ma fierté, honnêtement. Il est habillé avec les vrais vêtements du capitaine, il a même son monocle, et il a une paire de moustaches en étoupe qui ferait peur à n’importe quel abordeur. Il me rassure quand je me sens perdu. Je lui parle beaucoup. Il me répond parfois. Sans lui, je ne sais pas comment je m’en serais sorti vivant quand j’ai affronté la première tempête. Bon, le bateau est dans un piètre état, c’est plutôt une épave à la dérive maintenant qu’un vrai navire, et mes espoirs d’atteindre une côte fondent comme neige au soleil. Mais je suis vivant. Merci mon capitaine.

J’ai faim. J’ai mangé la viande séchée. J’ai mangé les fruits secs. J’ai mangé les biscuits. J’ai mangé la farine. J’ai mangé les vers qui mangeaient la farine. J’ai mangé les pommes, aussi. Enfin, celles qui n’ont pas fini  dans ma tentative de faire de l’alcool maison. C’était atroce, mais ça m’a occupé un moment.

Maintenant, je n’ai plus grand-chose à faire à part regarder l’horizon. Le capitaine tient la barre, aidé de quelques cordages. C’est important de maintenir le cap, même si c’est dur vu le peu de gouvernail qu’il reste.

Je regarde l’eau en rêvassant quand j’entends le chant.

Jamais encore je n’avais entendu un chant aussi beau. Comme si les portes du paradis s’étaient ouvertes pour moi. Je me penche et là, sous les vagues, dans l’eau cristalline, je les vois tous ! Tout l’équipage est là, qui me sourit et me fait des grands gestes pour que je les rejoigne. Des sirènes sont avec eux. Mais c’est bien sûr ! Ce sont elles qui les ont sauvés, il y a si longtemps !  Je n’ai plus qu’à les rejoindre !

Je commence à enjamber le bastingage quand j’entends le capitaine Briselame qui crie, de sa voix de tonnerre :

« Dégage-moi tout ça et remonte sur le pont !

— Mais… ce sont des sirènes !

— Justement, espèce d’imbécile ! Elles viennent pour te noyer et te dévorer, comme tous les autres ! Remonte tout de suite et va te mettre de la cire dans les oreilles jusqu’à ce qu’elles se lassent !

Je suis déchiré. Je n’en peux plus de vivre comme ça. Je ne veux plus !

Mais dans ce monde de folie, j’ai reçu un ordre, et c’est la seule chose qui a encore du sens, alors qu’est-ce que je pourrais répondre d’autre que :

— Oui mon capitaine ! »

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1 year ago
Bottlecaps

“Bottlecaps”

My submission for ArtOrder’s Tiny Dragons project! This was made with my usual mess of watercolor, ink, and colored pencil on 8x8″ hotpress watercolor paper…this time I really tried to pin down the value structure of the whole piece, and I’m feeling good about that aspect of it. :D 

Prints available here. 


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1 year ago

La Zone

Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 21 août 

Thème : Camille/quand le chat n’est pas là

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Il s’appelle Camille. Elle aussi. Et les deux autres aussi, qui les suivent en essayant de ne pas se faire distancer. Tout comme celle qui attend au volant de la camionnette. C’est presque une comptine. Cinq Camilles qui vont au marché. Un marché pas cher du tout.

Que voulez-vous, quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Et c’est un gros matou qui est de sorti ce soir.

Les Camilles aiment beaucoup cet endroit. La Zone est une terre sauvage, un lieu de vie et de nature, un endroit précieux que l’avidité humaine n’a pas encore salopé. Les Camilles n’apprécient pas du tout le projet de construction en cours. Pas du tout du tout.

Alors ce soir, tandis que le promoteur du projet est en train de vendre sa version en pleurant sur un plateau télé quelconque – le pauvre chou, victime de toutes les vilaines Camilles du pays – les Camilles sont de sortie sur le chantier. Et font leur petit marché.

Ils passent par derrière, loin des gardes, et sautent les palissades assemblées à la va-vite. Ils agissent vite et bien. Ils attrapent les chaines, les pinces, tous les outils qui leur tombe sous la main…

Mais les Camilles ne sont pas des voleurs. Ils rendent très, très vite ce qu’ils ont pris. En choisissant soigneusement quoi en faire.

Et lorsque les Camilles repartent, ils laissent derrière eux un chantier nettement plus en chantier – outils enchainés, moteurs sabotés, le tout décoré d’un message soigneusement graffé : « Ne Touchez Pas A Notre Zone »

Il faut bien ça pour que le message arrive à destination.

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