French writer, écrit de la SFFF et des fanfictions, poste sur l'écriture et reblogue Pratchett
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Au Bord Du Vide (LOffrande Aux Sirnes)
Au bord du vide (L’Offrande aux sirènes)
Le vent glacé, chargé de sel, souffle en rafales tumultueuses qui lui font presque perdre l’équilibre tandis qu’il s’approche du bord. Sans doute vaudrait-il mieux fixer l’horizon avec stoïcisme, mais les rochers noirs et pointus, sur lesquels se jettent les vagues furieuses, loin, loin en contrebas, attirent inexorablement son regard. Il a conscience de son sang quittant son visage et fait un effort surhumain pour contenir le flageolement de ses jambes. Tout son clan le regarde et compte sur lui. Il entend, comme dans un rêve, les cris de sa mère. Il n’ose tourner les yeux vers elle, en dernier adieu, de peur de se mettre à sangloter lui aussi. On ne parle pas avec beaucoup de respect des Marqués qui ont passé leurs derniers instants à pleurer et à supplier. Il ne veut pas être un de ceux-là.
Pendant des années, il n’y a pas eu d’Offrande. Mais le temps est venu, car trois garçons sont nés avec la Marque, comme lui, dans les mois qui ont précédé sa naissance, et un autre quelques jours après. Les anciens disent qu’il en naît quelques-uns à chaque génération, toujours des enfants mâles. Et à chaque génération, les sirènes réclament leur dû et en emportent un. Selon la rumeur que l’on choisit de croire, l’élu deviendra leur roi, sera dévoré, ou mourra d’épuisement après avoir servi de reproducteur. Bien qu’il ait essayé de toutes ses forces de ne pas imaginer les détails d’un accouplement avec ces créatures mi-femmes mi-oiseaux aux serres cruelles, cette troisième possibilité lui a valu bien des réveils en sueur et au bord de la nausée.
Il a songé à s’enfuir, bien sûr. Mais cela aurait amené le déshonneur sur sa famille, faisant d’eux des parias et ôtant à ses frères et sœurs tout espoir de se marier - une sentence tacite de bannissement. Plus grave encore, cela causerait la perte de son clan. Les sirènes les protègent des Etrangers et, lorsqu’elles amènent les bateaux ennemis à se briser sur les rochers, grâce à leur chant terrible et magnifique, elles autorisent les membres du clan à s’emparer des cargaisons dans les épaves. C’est de cela qu’ils vivent. Les anciens racontent même qu’une année où les tempêtes avaient duré bien plus longtemps qu’à l’habitude, les empêchant de sortir en mer pour pêcher, les sirènes leur avaient amené une créature marine aux formes étranges, comme nul n’en avait jamais vu, dont la chair avait permis au clan de survivre jusqu’au retour du beau temps.
En échange, les sirènes exigent, une fois par génération, une Offrande. Le jour de son quinzième anniversaire, le Marqué doit s’avancer au bord de la falaise, au flanc de laquelle les sirènes ont leurs nids, et sauter. Si les créatures le trouvent à leur goût, l’une d’elles l’attrape au vol dans ses serres, et l’emporte dans le réseau de galeries qui s’enfonce dans la paroi calcaire. On ne le reverra jamais, mais son nom et sa famille seront révérés car il aura permis au clan de perdurer. Si le Marqué n’a pas l’heur de plaire aux sirènes, elles le regardent avec indifférence se fracasser sur les rochers – comme se sont fracassés ses trois prédécesseurs au cours des derniers mois. La gloire ou la mort. Il n’y a pas d’entre-deux.
Le clan l’acclame. Les sirènes ont quitté leurs nids et tournoient un peu en-dessous de lui, planant dans l’air marin en le fixant avec intérêt. Il faut y aller, maintenant. Il prend une grande respiration, vaine tentative de faire refluer la terreur qui l’emplit tout entier, et fait un pas en avant.
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Evasion
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« Comment a-t-il osé ? Ce sale petit rat d’égout, si jamais je le revois je lui brise la nuque, je lui tords le cou, je le…
— Je vous en prie, mon cher. S’énerver ne nous servira à rien. Passez plutôt votre énergie à trouver un moyen de le rattraper.
— Le rattraper ? Encore faudrait-il savoir où il est passé ! À cette heure-ci, il pourrait bien avoir déjà sauté dans un bateau à destination de l’autre bout du monde ! Ce lâche, ce scélérat, ce…
— Peut-être pas. Peut-être qu’il se terre quelque part, chez un ami ou un parent, en espérant que la honte vous empêche de dire à tout le monde ce qu’il a fait, et que la lâcheté ne retienne votre bras au moment de le corriger.
— Moi, lâche ? Si je lui mettais la main dessus, vous verriez, ma chère, que l’âge ne m’a pas privé de toutes mes forces, et que je sais encore tenir une canne assez fermement pour corriger ce va-nu-pieds ambitieux !
— Et il sera beau le jour de ses noces ! Allons, mon ami, l’heure n’est pas à la colère, je vous le répète, mais à l’action. S’il est encore en ville, il faut le retrouver et le mettre face à ses responsabilités. Il épousera Charlotte, que ça lui plaise ou non !
—Et pourquoi voudrais-je que ce malandrin épouse ma précieuse fille, alors qu’il a osé se glisser dans son lit !
— Tout d’abord, votre précieuse fille n’est pas innocente dans l’affaire. Ensuite, leur aventure stupide pourrait très bien avoir des conséquences. Il lui faut un mari, et au moins celui-ci semble lui plaire.
— D’ailleurs, où est Charlotte ? En train de pleurer dans sa chambre parce que ce malotru l’a abandonnée ? N’est-ce pas votre devoir d’aller la consoler ?
— Mon devoir de mère est de régler cette affaire. Elle est assez grande pour sécher ses larmes de petite sotte toute seule. Pressez-vous et sortez, écumez toute la ville s’il le faut, mais trouvez-le !
— Quoi, vous voulez que j’avoue au grand jour ? Et couvrir de honte ma propre fille et mon nom ?
— Vous n’avez pas besoin d’avouer pour qu’on s’imagine pourquoi vous cherchez partout votre associé disparu, les mauvaises langues s’en chargeront. Vous êtes dans votre droit. Courez, vous dis-je !
— Très bien, très bien, je cours, je… Tiens, est-ce vous qui avez mis cette enveloppe dans la poche de ma veste ? Oh, non, mon dieu, c’est l’écriture de Charlotte, qu’est-ce que…
— Comment ça, l’écriture de Charlotte ? Pourquoi diable vous écrirait-elle alors qu’elle est dans la maison ? Si c’est par honte de son geste, elle a tout intérêt à s’être appliquée et à montrer tout son repentir, mais je ne crois pas qu’une seule feuille y suffirait…
— Suffit ! Charlotte est partie !
— Partie ? Comment ça partie ? Partie avec son amant ?
— Elle dit que non ! Elle dit qu’elle veut partir à l’aventure ! Elle dit que… C’est insensé !
— Donnez-moi ça ! Oh mon dieu… Oh mon dieu… Mais qu’est-ce qui est passé par la tête de cette enfant ! Seule sur les routes, qui sait quelles horreurs l’attendent ! Vite, il faut la rattraper !
— Mais où peut-elle être ? Elle a pu partir dans n’importe quelle direction ! Elle n’en dit rien dans sa lettre ! Seulement qu’elle veut aller « loin d’ici » !
— Alors au port. Allons-y immédiatement !
— Vous m’accompagnez ? Ce n’est pas un endroit très convenable pour…
— Essayez seulement de m’en empêcher ! »
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Sur les plages du Rhin
Ils sont apparus soudainement. Personne ne connut leur origine. On ne sut pas non plus qui fut leur créateur. Les bateaux en papier débarquèrent sur les plages du Rhin par centaines de milliers que ce soit en Autriche en Suisse en Allemagne en France et même dans le Benelux. Chaque bateau était baptisé d’un nom, apportant en même temps des messages de toutes sortes. Il y avait des mots, des chiffres, des notes de musique ou des dessins.
Des spécialistes reconstituèrent leurs trajets sans trouver leur point de départ. Certains bateaux étaient liés entre eux par leurs mots. Sur une des plages, il y avait un hommage à la Bavière romantique de Louis, aux châteaux du Rhin qui dominaient le paysage grâce à leurs tours de guet. D’autres faisaient allusion à la traversé d’Arioviste et de ses guerriers après sa déroute contre Jules César. Il y avait quelques centaines de petits bateaux sur le bord d’une plage de sable au nord de Bâle qui, reconstitués racontaient l’histoire de la belle Ildiko, une princesse germaine qui aimait se baigner dans le fleuve. Un jeune soldat romain tomba amoureux d’elle et traversa le Rhin pour la délivrer des terribles huns d’Attila. Il y avait aussi des bateaux de papier qui chantaient les traversés d’hommes et de femmes fuyant les guerres, les régimes autoritaires et leurs persécutions.
Plus au sud, les bateaux de papier déposèrent un parfum de romantisme sur les plages autrichiennes. Il imprégnait l’air de nouvelles de Stephan Zweig, d’amours au printemps. On pouvait les suivre à la trace et voir le fantôme de Sissi marcher protégée du soleil par une ombrelle. On pouvait entendre une mélodie de violon au milieu du fleuve annonçant un nouveau débarquement de bateaux en papier. En dépliant quelques feuilles, certaines personnes avouèrent avoir entendu le rire de Romy Schneider et du côté suisse, celui de la dernière sorcière condamnée à mort.
Et sur les plages du lac de Constance, des petits bateaux déposèrent des pépites d’or, des fragments d’argent, des restes des trésors disparus engloutis au fond de cette étendue d’eau. Les chercheurs de trésors, annoncèrent qu’il s’agissait de l’or perdu des nazis. D’autres qu’il s’agissait plutôt du trésor des barbares germains après avoir envahi l’empire romain. Mais les plus raisonnables racontèrent que cela provenait en fait de quelques pièces perdus par l’armée napoléonienne de retour de sa triste campagne de Russie. Ils avaient jeté cet or maudit pour supplier les dieux d’accueillir dans leur paradis leurs amis morts durant l’hiver terrible de 1812.
Sur d’autres plages du Rhin, d’autres fragiles navires apportèrent des mots pleins de compassion, des mots égarés pour des voyageurs égarés. Ils apportèrent un peu d’assurance, de l’espérance, la joie, mais pas la richesse car elle n’apporte jamais le bonheur. De nombreux bateaux se perdirent dans les méandres du fleuve, engloutis par les courants, avalés par les brochets ou quelques oiseaux de proie. Et il y a ce bateau, plus intelligent que les autres qui fit la navette entre deux rives aidant ainsi quelques malheureuses grenouilles à traverser pour trouver de l’autre côté une princesse qui acceptera de les embrasser.
On trouva aussi des bateaux de couleurs, des bleus, des rouges, des verts, des jaunes. Ils débarquèrent les milliers d’œuvres peintes par William Turner, Robert Schouler, Maria Garcia ou d’autres centaines d’anonymes qui ne purent vivre à Montmartre.
Il y avait tout ça dans ces petits bateaux en papier qui débarquèrent sur les plages du Rhin et encore bien d’autres choses.
Alex@r60 – août 2020
Y’know an awful lot of Terry Pratchett’s books are concerned with how powerful women are when they get angry and how important anger is as a driving force to defend what is right and to tackle injustice.
A lot of his most interesting and most deeply moral characters are angry ones. Granny Weatherwax, Sam Vimes, Tiffany Aching. All are to a large extent driven to do good by anger.
And that honestly means a lot to me.
T’imaginer sur les plages du Rhin
Je t’imagine sur les plages du Rhin, emmitouflé dans ton manteau beige. Ton écharpe qui vole au vent, tandis que ton regard glisse sur l’eau grise vers le pont noyé dans la brume. Le cri aigu des mouettes. Je tente d’esquisser les contours de ta nouvelle vie. (Et si j’avais dit oui ?) J’imagine les galets crissant sous des pas qui s’approchent. Un autre manteau, une autre écharpe. Et, se posant sur ton épaule, une main qui n’est pas la mienne.